En cette Journée internationale des droits des femmes, la Ville de Gatineau souligne la contribution de huit femmes ayant marqué l'histoire de Gatineau, qui sont présentes dans la toponymie de la ville. Découvrez l'histoire de ces figures importantes du patrimoine en l'honneur desquelles les lieux suivants ont été nommés.
Ce nom rappelle les ouvrières qui ont travaillé à la fabrication d'allumettes, notamment dans les usines hulloises de la E.B. Eddy des années 1880 jusqu'en 1927. Pendant plus de 75 ans, des centaines de femmes travaillent à la fabrique de la E.B. Eddy. Entre 1910 et 1920, on estime que 300 d'entre elles fabriquent 90 % des allumettes utilisées au Canada, contribuant de façon notable au statut de plaque tournante industrielle de Hull. Jeunes et célibataires, souvent issues de milieux défavorisés, les ouvrières connues sous le nom « d'allumettières » emboîtent et emballent les allumettes dans des conditions difficiles. La semaine de travail comprend entre 50 et 60 heures, pour un salaire hebdomadaire variant entre 2,50 $ et 6 $. Le métier présente de sérieux risques pour la santé : des incendies se déclarent quotidiennement et les ouvrières s'exposent notamment au phosphore blanc, un produit chimique utilisé au Canada jusqu'en 1914, dont les vapeurs toxiques et les résidus sont reconnus pour avoir causé la maladie de la nécrose maxillaire.
S'étant syndicalisées en 1918 pour contrer les conditions de travail difficiles et les dangers de l'emploi, les allumettières de la E.B. Eddy sont, en 1919 et 1924, au cœur des premiers conflits ouvriers québécois ayant mis en avant-plan un syndicat féminin. Les litiges portent surtout sur les conditions de travail, la sauvegarde de la « morale » des jeunes filles et la non-reconnaissance du nouveau syndicat. Menées par Georgina Cabana, présidente de l'Association ouvrière catholique féminine de Hull, et Donalda Charron, contremaîtresse et porte-parole de la branche syndicale des ouvrières des allumettes de Hull, les allumettières sont des pionnières de la lutte ouvrière féminine et contribuent à la reconnaissance des droits des travailleuses et à l'avancement du syndicalisme féminin en Outaouais et au Québec. Si les mésententes de 1919 se règlent rapidement, celles de 1924 entrainent un lockout de trois mois. Cabana et Charron n'hésitent pas à organiser des manifestations, à lever des fonds et à soutenir les ouvrières au piquet de grève. Leur cause a par ailleurs touché la communauté hulloise (clergé, ville, citoyens, commerçants), faisant des conflits de 1919 et 1924 des catalyseurs de la mobilisation sociale autour de ces luttes pour le droit des femmes et des travailleuses en milieu ouvrier.
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Le nom de cette place publique rappelle le souvenir des contremaîtresses de Gatineau, des femmes qui ont joué un rôle important dans l'histoire de cette ville. Les contremaîtresses sont des travailleuses qui occupent un poste de supervision dans des ateliers de manufactures où la majorité des employées sont des filles et des jeunes femmes. Elles servent d'intermédiaires entre les employées et les superviseurs masculins. Elles s'occupent également de l'embauche et parfois de la formation des nouvelles employées, en plus de maintenir l'ordre dans les départements.
Le poste de contremaîtresse présente pour les femmes l'une des rares chances de faire avancer leur carrière à la manufacture, offrant une rémunération plus élevée ainsi qu'une certaine reconnaissance de leurs aptitudes. Ces postes sont souvent occupés par des femmes plus âgées et célibataires, qui jouent un certain rôle de substitution parentale auprès des jeunes ouvrières, assurant la protection morale de ces jeunes femmes qui travaillent hors du foyer familial.
À Hull, les contremaîtresses sont présentes dans les départements féminins, tels que la manufacture d'allumettes, la fabrique de guenilles et de sceaux et le département de papier de soie de la E.B. Eddy. Elles se sont surtout fait remarquer après la Première Guerre mondiale par leur activisme au sein des syndicats catholiques féminins. Elles occupent des postes au sein de l'exécutif. Pour ces raisons ainsi que pour leur forte influence sur la production et sur la main-d'œuvre, la E.B. Eddy cherche à retirer certains pouvoirs aux contremaîtresses dans le cadre du conflit de 1924, au terme duquel plusieurs d'entre elles seront mises à pied.
La plus connue des contremaîtresses est sans aucun doute Donalda Charron, qui était porte-parole de la branche syndicale des ouvrières des allumettes de Hull lors des conflits ouvriers de 1919 et 1924.
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La Congrégation des Servantes de Jésus-Marie est fondée le 14 mai 1895 à Masson par le curé Alexis-Louis Mangin (1856-1920) et par Éléonore Potvin (Poitevin) (1865-1903), devenue sœur Zita en 1892 avant d'être nommée première supérieure par l'abbé Mangin le 23 mai 1895. Les débuts de cette congrégation contemplative, installée dans une étable derrière le presbytère, sont difficiles. En décembre 1898, les religieuses quittent Masson pour s'installer au monastère de Jeanne d'Arc à Aylmer, sur les rives du lac Deschênes. En 1900, les Servantes de Jésus-Marie s'établissent définitivement à Hull, où la fondatrice s'éteint le 30 mai 1903. Cinq autres monastères seront fondés entre 1908 et 1957 au Québec. Lors de sa visite au Canada en 1984, le pape Jean-Paul II se rend à la maison-mère des Servantes de Jésus-Marie, à Hull, pour célébrer une messe à laquelle ont assisté plus de deux cents religieuses contemplatives.
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Née le 14 janvier 1930 à Authier en Abitibi (Québec), Jeannine Grégoire (1930-2002) fait des études en enseignement aux écoles normales d'Abitibi et de Hull. De 1950 à 1983, elle enseigne au primaire à la commission scolaire de Gatineau. Elle est notamment responsable de l'enseignement aux enfants rencontrant des difficultés d'apprentissage.
En plus de consacrer sa vie à l'enseignement, Jeannine Grégoire-Ross est l'une des pionnières du projet résidentiel du Cheval-Blanc, qu'elle a contribué à développer. En tant que femme d'affaires, elle y construit, avec son mari, John Ross, quelque 200 maisons, en se souciant d'offrir une bonne qualité de vie aux résidents.
Jeannine Grégoire-Ross est considérée comme faisant partie de la première génération de femmes qui se sont engagées en grand nombre dans le monde des affaires à la suite de la révolution féminine des années 1960 et 1970. Elle est décédée à Gatineau le 20 septembre 2002.
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Née en 1881, Marie-Louise Sarazin (1881-1982) épouse en 1898 Wilfrid Coulombe, homme d'affaires et membre fondateur de la Caisse populaire Notre-Dame de Hull. Marie-Louise joue un rôle important dans la vie sociale de Hull, en appuyant notamment son époux lors de la fondation, en juillet 1916, de la toute première caisse populaire de la région. Cette dernière avait ses bureaux dans la maison familiale des Coulombe au 105, rue Eddy. Dans les premiers temps, Marie-Louise transportait les dépôts des clients à la Banque provinciale dans une simple boîte de métal. Marie-Louise Coulombe joue également un rôle important lors de la crise économique de 1929 en fondant notamment des clubs de participation au magasin familial (Magasin Coulombe), où l'on organisait des concours. Mme Coulombe et son mari offrirent notamment un chemin de croix à l'église Sainte-Bernadette, qui fut érigée le 11 février 1940. Marie-Louise Coulombe est décédée le 9 novembre 1982.
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Marie Alma Joséphine Ouellet (1874-1947), aussi connue sous le nom de sœur Élisabeth de Hongrie, est née le 9 mai 1874 à Sainte-Anne-de-la-Pocatière. En tant que membre de la congrégation des Sœurs de la Providence, elle exerça un ministère à l'hôpital du Sacré-Cœur de Hull de 1913 à 1916. En 1915, elle y fonde l'École des infirmières de Hull, dont elle est la première directrice et qui accueille à ses débuts huit étudiantes. À cette époque, la formation en soins infirmiers est dispensée par des religieuses dans des écoles d'infirmières affiliées aux hôpitaux. Au cours des décennies qui suivent, plus de 600 infirmières reçoivent leur formation à l'école fondée par la religieuse. L'école est intégrée au Cégep de l'Outaouais en 1968. Sœur Élisabeth de Hongrie décède le 24 novembre 1947, à l'Asile de la Providence, à Montréal.
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Claudette Ranger (1931-1985) est née le 12 avril 1931 à Greece's Point, près de Saint-Philippe-d'Argenteuil (aujourd'hui Brownsburg-Chatham), au Québec. Elle épouse Yvon Burke le 7 juillet 1951 à Saint-Philippe-d'Argenteuil, avec qui elle a 3 enfants. Après leur mariage, le couple déménage dans le village de Deschênes.
Le 10 août 1970, elle devient la première femme membre du conseil municipal du village de Deschênes, à la suite de sa nomination comme échevin pour un mandat d'un an, en remplacement du conseiller démissionnaire Jean-Baptiste Côté. L'année suivante, elle pose sa candidature au poste de maire du village lors de l'élection du 7 novembre 1971, mais elle est défaite.
Outre son implication politique, Claudette Burke est très active dans sa communauté, notamment auprès de l'Association des femmes de Deschênes, pour laquelle elle fut secrétaire. Elle décède d'un cancer en 1985, à l'âge de 54 ans.
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Ishbel Marie Marjoribanks (1857-1939) est la troisième fille de l'aristocrate écossais Dudley Coutts Marjoribanks, 1er baron Tweedmouth et d'Isabella Weir-Hogg, fille d'un homme d'affaires et politique irlandais qui sert en Angleterre. Née en mars 1857 à Londres, elle épouse en 1877 John Campbell Hamilton-Gordon, 7e comte d'Aberdeen et plus tard 1er marquis d'Aberdeen et de Temair, avec qui elle a 5 enfants.
En 1893, lord Aberdeen est nommé gouverneur général du Canada. Il occupe ce poste jusqu'en 1898. En tant que consort vice royal du Canada, lady Aberdeen met notamment sur pied, en 1893, le Conseil national des femmes du Canada (CNFC), dont elle devient la première présidente. À ce titre, elle milite pour la protection des ouvrières et l'amélioration des conditions de travail des jeunes femmes dans les usines et ateliers. En 1897, elle contribue à la création des Infirmières de l'Ordre de Victoria du Canada, qui offre à l'époque des services médicaux dans les régions rurales et éloignées du pays. Elle reçoit également un diplôme honorifique de l'Université Queens en 1897, devenant la première femme à recevoir un tel diplôme au Canada.
Commémorant cette auteure, philanthrope, défenseure des droits des femmes et militante pour la réforme sociale, la rue Aberdeen et le pont Lady-Aberdeen doivent aussi leur nom à une anecdote bien connue : alors qu'elle habitait la région, lady Aberdeen aimait rendre visite à Isidore Champagne, curé de la paroisse Saint-François-de-Sales de la Pointe-Gatineau. À la suite d'une visite le 22 avril 1896, la comtesse prend place dans sa voiture, menée par des chevaux. En cours de route, le chemin se trouve inondé par la crue de la rivière Gatineau. Les chevaux, effrayés par cette crue, se précipitent dans la rivière, y entrainant la comtesse, le capitaine John Sinclair qui l'accompagnait et le cocher. Les voyageurs sont sauvés in extremis par des habitants du village alors que les chevaux périssent, noyés. Pour témoigner sa gratitude, le gouverneur général, après avoir récompensé les sauveurs, offre une nouvelle cloche, nommée Ishbel en l'honneur de la comtesse, à la paroisse. C'est en l'honneur de la future marquise d'Aberdeen que sont nommés une rue et le pont qui enjambe la rivière Gatineau. Ishbel Marie Hamilton-Gordon, marquise d'Aberdeen et de Temair, décède le 18 avril 1839, à Aberdeen.
📸 Bibliothèques et Archives Canada
© Topley Studio. (PA-027857).
Allumettières
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Reconnue pour sa qualité de vie, Gatineau est une ville de 292 000 habitants. Elle est située sur la rive nord de la rivière des Outaouais, et s'étend à l'est et à l'ouest de la rivière Gatineau.